Et
c’est à cet instant que je l’ai vue pour la première
fois.
Une silhouette de chien mais, dès le premier coup d’œil,
on savait instantanément que ce n’était pas un chien.
L’animal avait une démarche indescriptible, tendue, furtive.
Ses yeux avaient une luisance presque surnaturelle ; ils diffusaient une
lumière sourde, violette et sauvage. Bizarrement, chacun de ses pas
éteignait les sons autour d’elle : plus d’oiseaux de
nuit, plus de reptations ni de bruissements d’ailes mais un silence
épais et tendu. Elle m’a regardée et un frisson m’a
parcourue – ni peur, ni angoisse, un frisson tout simplement.
Et la louve a bougé.
A pas doux, elle est venue vers moi. Elle s’est approchée de
ma main, l’a flairée. J’ai juste étendu les doigts
et toute seule, elle a glissé sa tête puis ses omoplates contre
ma paume. Alors, j’ai ressenti une étincelle fulgurante, une
décharge dans tout le corps, ,un contact unique qui a irradié
tout mon bras, ma poitrine et m’a emplie de douceur. De douceur seulement
? Oui, dans ce qu’elle a de plus impérieux et qui a élevé
en moi un chant mystérieux, l’appel d’une force inconnue
et primordiale. Au même moment, la louve a semblé ramollir
et elle s’est couchée renversée sur le flanc.
Elle m’offrait son ventre.
Mon sourire de bonheur, je crois, aurait pu éclairer la nuit.
« Variations sauvages » d’Hélène Grimaud